L'auteur

Titulaire d'un Doctorat en philosophie et d'une maîtrise en histoire, l'auteur est restée fidèle à ses deux «initiateurs» en philosophie, Nietzsche et Kierkegaard, mais admire tout autant Spinoza, Russell, Arendt...
Marie-Pierre Fiorentino

vendredi 26 août 2011

Suis-je stoïcienne ?

Il y a dans le stoïcisme une résignation que mon cœur, avide de repos, recherche parfois, mais qui révolte ma raison. Il arrive aussi que j’éprouve l’inverse car certaines résignations sont raisonnables quand le cœur hurle contre elles. Ainsi la résignation face à la mort. La plupart des arguments stoïciens sont rationnellement irrécusables mais le chagrin devant le décès de l’enfant, de l’aimé ou de l’ami ne se tarit pas par la logique. Cette sagesse recèle cependant une subtilité : résignation et révolte ne sont pas nécessairement antagonistes. Résigné à l’idée de sa mort, l’esclave Épictète a bravé son maître et finalement été affranchi. La crudité avec laquelle il envisage sa disparition – il se voit sous forme de carcasse – est à la fois soumission à la loi naturelle et moyen de pression sociale. Accepter le pire libère de la peur et autorise tous les risques.

Il y a dans le stoïcisme une petitesse, presque une mesquinerie qui me dégoûte un peu comme les odeurs d’intérieurs rances où on a renoncé à vivre pour s’y terrer en attendant de mourir. Pourtant, une certaine superbe vis-à-vis des bassesses de l’existence force mon respect. La puissance nécessaire pour parvenir au mépris du mal que nous subissons, infligé par les autres ou par la vie, me semble impossible à déployer, mais son idée est attirante. Elle est un peu à l’apprenti philosophe ce que le super héros est aux enfants. Les uns et les autres y croient-ils ? En tout cas, ils y jouent.

Je vois alors le stoïcisme comme un modeste voilier tantôt au creux des vagues tantôt à leur faîte, ridicule d’avoir osé braver la mer, admirable de ne pas avoir encore coulé. Il est un ballottement incessant entre deux extrêmes, en passant d’un bord à l’autre quand le vaisseau gîte, sans chercher l’équilibre du juste milieu, comme son ennemi l’épicurisme.

Le stoïcisme ou comment sortir la tête haute des souffrances et humiliations. La tête haute, c’est-à-dire l’esprit libre en termes stoïques. C’est aussi ce que l’on appelle « prendre les choses avec philosophie. »


Le Garn, été 2011